mercredi 29 septembre 2010

Avoir un autre enfant

Il y a longtemps que ce sujet me trotte dans la tête. C'est un sujet que je considère complexe à aborder. C'est un sujet qui est très personnel à chacun. C'est aussi parfois un deuil qui vient avec le diagnostic de l'enfant TED.

Une réaction très fréquente, suivant le diagnostic d'un enfant TED c'est : "Tu n'en auras pas d'autres hein? Voyons tu peux pas prendre le risque de remettre au monde un autre enfant handicapé."

Vous comprenez que j'ai décidé d'aborder le sujet suite à mon précédent message... qui est un peu une suite logique.

Il y a plus d'un an je discutais avec une maman qui était en évaluation pour son enfant. Celui n'est pas atteint de TED, mais d'une maladie génétique qui s'y rapproche. L'annonce du diagnostic a apporté probablement un plus gros choc aux parents que celui du TED.

Pour nous, parents d'enfants TED, semblerait-t-il (il n'y a aucuns chiffres vraiment fiables à ce sujet), que nous avons environ 8% de chances de remettre au monde au enfant TED. Huit pourcent, ce n'est pas si énorme, si on pense à cette maman qui apprenait qu'elle avait possiblement 50%  de risque de transmettre le gêne "défectueux". LE CHOC. Cinquante pourcent de risque! Deux claques en plein visage, le diagnostic, et le rêve d'avoir un autre enfant se voir "enlevé" soudainement.

Alors à partir de là? Que faisons-nous? Qu'est-ce qui motivera notre décision d'avoir ou non un autre enfant? Comment vivrons-nous avec cette décision? Et SI l'enfant était lui aussi handicapé?

Je pense que sur le choc du diagnostic, incluant toutes les démarches plus épuisantes les unes que les autres, rares doivent être les parents qui se rembarquent dans l'aventure bébé immédiatement surtout si c'est un premier enfant.

J'ai été la première, suite au diagnostic, à  :

1. Penser que la famille serait probablement finie. Que JAMAIS mon conjoint accepterait d'avoir un autre enfant... ce que je suis capable de comprendre.

2. Heureuse d'avoir déjà ma petite puce parce que j'aurais peut-être eu peur d'avoir un autre enfant TED.

Dans l'entourage on me disait "Bon voilà, ça  règle la question pour un autre enfant.". J'ai déjà même eu des discussions avec des gens qui m'ont dit que c'était triste pour ces enfants-là. Mettre "volontairement" au monde un autre enfant qui pourrait être handicapé, voyons "pauvre enfant".
Plusieurs parents mettront donc de coté les essais bébés (si c'était le cas), peut-être définitivement, peut-être pour un temps indéterminé.

L'enfant TED demande BEAUCOUP de notre temps. Son développement n'est pas nécessairement le même que les enfants de son âge, selon son atteinte. Penser avoir un autre enfant dans une des phases les plus difficiles qu'on traverse en tant que parent?

Après le choc initial du diagnostic, j'ai été contente. J'avais trois beaux enfants. J'ai mes filles, preuve que ça peut ne pas être siiii pire que ça. Qu'il y a de l'espoir.

J'ai été contente que mon garçon puisse avoir des soeurs. Qu'il ne soit pas fils unique.

Pourtant, la réalité nous rattrape un jour ou l'autre, et il faut l'avouer, un enfant TED à gérer avec d'autres enfants, c'est loin d'être facile. Est-ce donc vraiment la peur d'avoir un autre enfant handicapé qui motive les parents à s'arrêter à un seul enfant?  En partie c'est sûr, mais je crois que la disponibilité qu'ils veulent avoir pour leur enfant est une de leur plus grosse motivation.

Et cette motivation je la comprends!  Parfois je regarde en arrière, je fais un retour sur les deux dernières années. Bien entendu avec quelques "et si.". Ça me prend souvent quand je vois des mamans d'enfants TED, que c'est le seul enfant et je vois ce qu'avoir plusieurs enfants m'a enlevé et a enlevé à mon garçon. De l'énergie. Beaucoup d'énergie!

Il faut être réaliste. Lorsque j'ai entâmé les démarches diagnostic de Tommy, j'étais loin d'être en forme. Je devais gérer... Tommy, la grande soeur, et la petite soeur qui ne dormait pas la nuit. Je devais tout faire, de mon mieux,  avec 4-5hrs de sommeil dans le corps.

C'est évident, je le crois beaucoup dans mon cas, que d'avoir plusieurs enfants modifie mon approche envers Tommy. Si je n'avais eu que lui, l'épuisement aurait été moins grande, j'aurais été deux fois plus disponible pour lui. Deux fois plus patiente. J'aurais eu du temps, et probablement beaucoup plus de motivation n'ayant que lui à m'occuper.

Je me sens parfois coupable quand je regarde ces mamans qui investissent tellement de temps avec leur enfant, mais elles n'ont pas à se diviser en 2-3. Si elles veulent céduler des rendez-vous de thérapie ça reste assez simple, pas besoin de gardienne. Ma réalité est tout autre. Si j'avais voulu suivre des formations, payer des thérapies à toutes les semaines, c'est de trouver une gardienne... à chaque fois. Parce que les autres enfants, n'auraient pu suivre.

Ça peut sembler une défaite, certaines mamans de plusieurs enfants le font peut-être et je leur dis BRAVO. Elles ont une énergie que je n'ai pas. J'ai fait des choix, ceux qui me semblaient le mieux pour tous, mais oui, c'est possible qu'on aurait pu faire plus.


Si demain matin, une maman d'un enfant TED me demande si elle devrait avoir un autre enfant... je lui dirais probablement d'attendre. Je lui ferais part de tout ce qu'elle peut faire pour son enfant puisqu'elle n'a que lui. J'y crois beaucoup, mais de l'autre coté, je ne pourrais lui dire de ne pas en avoir d'autres.

Ne pas avoir d'autres enfants c'est choisir de s'investir à 200% avec notre enfant TED. Lui donner le meilleur de nous-même, plus de disponibilité.

Mais certains diront qu'il lui manquera un frère ou une soeur, quelqu'un qui pourra l'aider plus tard, quand on ne sera plus là? Et le frère ou la soeur, ont-ils eu un mot à dire là-dedans?  La fratrie c'est important, ces personnes rêve d'une belle famille réunie autour de la table.

Avoir un autre enfant c'est s'offrir la possibilité de vivre une expérience différente. Il y a quand même 92% des chances que tout soit ok, que l'enfant à venir n'ait pas de handicap. C'est vivre des étapes qui nous ont été "volées". C'est vouloir reprendre notre "dû" en tant que parents?

Certains toutefois disent avoir peur de voir l'enfant suivant comme une bouée de sauvetage, comme un "remplacement" de l'enfant TED qui n'est pas tout à fait ce que les parents rêvait.


La décision d'avoir un autre enfant?  J'arrive difficilement à répondre à la question. Qu'est-ce qui motive certains parents à se relancer dans l'aventure, et d'autres à ne pas le faire?

À chaque pour d'un choix, il y a un contre qui l'accompagne. C'est un choix personnel, qu'on assumera toute notre vie avec parfois des regrets. Le meilleur choix? Il n'existe pas. Mon garçon serait-il différent dans d'autres circonstances, si il avait été le premier et enfant unique?  Ma vie serait totalement différente, mon investissement envers lui serait différent, mais lui le serait-il?

C'est un choix déchirant, que plusieurs parents seront contents, comme moi, de ne pas avoir eu à faire, mais le "si" planera toutefois toujours.

4 commentaires:

Érézia

Tu sais, je crois profondément qu'un enfant autiste entouré de frères et de soeurs a une stimulation tout aussi valable qu'une autre.

Ça parait peut-être moins au quotidien, mais je suis certaine que Tommy est aussi bien entouré qu'un autre enfant unique parce qu'il a, en plus de votre présence, l'attention de ses deux petites soeurs. :)

Anonyme

Comme vous faites très bien le tour de la question! : ) Vous mettez des mots sur toutes mes réflexions... mais vous savez quoi? J'ai 3 enfants et un seul avec un TED très léger et je crois que même s'il n'avait pas eu cette petite différence (qui est vraiment moins importante qu'un autisme classique), je me serais posé les mêmes questions... Avec 3 enfants, même "normaux" on partage son énergie en trois et on se dit qu'on ne passe pas assez de temps de qualité avec chacun... Mais d'un autre côté, ils deviennent plus débrouillards et ils apprennent à partager, à être tolérants, etc.

Être l'objet de trop d'attention et être trop surveillé, ça peut aussi mettre bcp de pression sur un seul enfant. Le syndrome de l'enfant unique qui doit absolument performer, car il ne partage pas avec d'autres frères et soeurs les espoirs parentaux... c'est quelque chose aussi. Tommy profite d'une ambiance vivante à la maison et ça c'est super!

Plouf_le_loup

Ce chiffre de 8% me surprend énormément ! Il ne correspond pas à ce que je croise autour de moi... (ni à ma situation perso, puisque j'ai un aîné Asperger -avec d'autres soucis médicaux annexes qui le rendent très agressif-, une cadette sans diagnostic qui a toujours été à côté de ses pompes et ne peut plus être scolarisée depuis 3 ans, et une benjamine de 3 ans qui me rappelle furieusement son frère au même âge...).
J'aurais dit beaucoup plus en pourcentage dans le spectre des TED pour une fratrie...

Cela dit, toutes les situations ont leurs atouts et leurs inconvénients. Il faut se partager, oui, et c'est difficile. Mais il y a un microcosme social en permanence à disposition dans une maison avec une fratrie, c'est bien pour avancer. Un aîné permet de réfléchir avant d'éventuels suivants, oui. Mais on n'a aucune expérience de la maternité, aucun point de repère, on doit tâtonner pour apprendre 2 choses en même temps (être maman et être maman d'un enfant TED + faire la part des choses, au jugé) et on est une cible idéale pour les culpabilisateurs de tous poils (c'est du vécu), ce qui est très dur aussi.

Nous, nous avons choisi d'avoir d'autres enfants. Si nous avions détecté avant la deuxième le souci du premier (il avait 6 mois quand je suis retombée enceinte), nous ne l'aurions peut-être pas conçue. Mais nous savions tout ça en concevant la 3ème, 7 ans plus tard... Sans regret. Parce que nous avons alors commis un crime sans nom dans notre société : nous avons pensé à NOUS. Et dans l'ensemble, ça réussi bien aussi à nos enfants... C'est pas un modèle, oh la la non ! juste un exemple de quelque chose de possible parmi d'autres =^.^=

Caraganda

Je lis cette note avec un peu de retard...mais je me suis bel et bien reconnue dans ton histoire, au tout début. Tu dois être au courant que mon 2e fils est en route, grâce à le technique du diagnostique pré-implantatoire, donc les chances que bébé ait des problèmes sont passées de 50% à 1%. On se considère chanceux d'avoir eu cette option. Eh oui, si on avait laissé de tout au hasard de la vie, on aurait peut-être adopté ou fait autre chose, mais le désir d'enfant était vraiment là. Pas pour remplacer notre premier-né ou vivre des choses plus "normales"...Juste pour qu'il ne soit pas seul. Qu'il connaisse c'est quoi la fratrie. Ça aussi c'est un plus, une stimulation qu'on ne pourrait pas lui offrir autrement. Et puis de toute façon, comme plusieurs parents d'enfant différent, on les adore avec leurs qualités et leurs difficultés.

Même un parent d'enfant "normal" n'est pas à l'abri d'un mauvais tour du destin: une méningite, un accident... Je crois qu'à chaque fois qu'on désire avoir un enfant,même si on est moins à risque que d'autres à avoir un enfant "différent", il faut toujours se poser la question si on est prêt à ce que ça arrive. Dans notre cas, nous sommes prêts alors on prendra ce que la vie nous enverra...;)

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